Delphine Bachmann: « Soutenir l'innovation à Genève pour dynamiser l'économie et créer des emplois »
Pour compléter notre analyse de l’éco système d’innovation genevois, nous avons eu l’opportunité d’échanger avec Delphine Bachmann, conseillère d’État en charge du Département de l’économie et de l’emploi (DEE). Au cours de cet entretien, la magistrate revient sur les conditions nécessaires pour favoriser l’innovation et dresse un diagnostic de la situation actuelle à Genève. Mme Bachmann évoque également les pistes explorées par le Canton pour améliorer sa position par rapport à d’autres pôles d’innovation suisses, comme Zurich ou Vaud, et pour cultiver l’esprit d’entreprise sur le territoire genevois.
Genève Attractive: Quelles sont, selon vous, les conditions nécessaires pour favoriser l’innovation ?
Pour qu’une économie se développe, nous avons besoin de conditions-cadres favorables. On pense souvent aux questions fiscales et réglementaires, mais il existe d’autres facteurs qui facilitent la création d’entreprises et le développement de nouveaux produits et services dans une région :
• L’état actuel du marché, qui peut être saturé dans certains domaines
• L’environnement politique et social
• La qualité des infrastructures comme les bureaux, la mobilité, ou encore la présence de crèches et d’écoles
• La présence de personnel qualifié et d’instituts de recherche et de formation
• Et l’accès au financement, qu’il soit public ou privé.
Mais au-delà des conditions-cadres, il est également important que les entrepreneurs puissent s’appuyer sur un dispositif de soutien aux entreprises performant qui les accompagne, notamment durant les phases initiales de leurs projets. Il s’agit de les soutenir dans leur développement technique en les mettant en relation avec des partenaires ou des instituts de recherche. Il est également important de les soutenir dans l’évolution de leurs affaires et leurs recherches de financement. Dans ce cadre, le travail en réseau est fondamental et le soutien d’experts est un atout pour le développement des entreprises.
Ces conditions sont-elles réunies à Genève ? Quel est votre diagnostic de la situation actuelle ?
Le maillage entre les acteurs privés et les acteurs publics, entre les multinationales, les PME et les start-up, et enfin entre les entreprises privées et les instituts de recherche est une des clés du succès de notre région. Je constate que nous disposons de conditions-cadres attractives et figurons depuis plus de dix ans dans le top 5 des cantons avec le plus de créations d’entreprises. Nous pouvons évidemment faire mieux en termes de fiscalité, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé, avec le Conseil d’État, dès le début de la législature, un projet de loi pour alléger la taxation de l’outil de travail. En termes d’accès au financement et de mise en réseau, Genève dispose de nombreux organismes de soutien publics et privés. L’Office cantonal de l’économie et de l’innovation (OCEI), qui fait partie de mon Département, a pour objectif d’aider et d’orienter les entreprises dans ce processus. J’ai demandé à mes équipes de travailler sur la question d’en faire une porte d’entrée unique vers le dispositif de soutien aux entreprises, qui va se traduire par un guichet unique, dont la forme reste à préciser.
Genève est en retard en matière d’innovation par rapport à Zurich ou Vaud. Comment comptez-vous utiliser les structures existantes pour dynamiser l’innovation ?
Tout d’abord, je suis consciente de l’importance de l’innovation et j’en ai fait une des priorités de mon Département. Cela, pour deux raisons. La première, c’est que l’innovation est un vecteur de dynamisme économique, en permettant la création de nouvelles entreprises et la modification de celles existantes pour s’adapter aux transitions numériques, écologiques et démographiques. La deuxième, c’est que l’innovation est synonyme de création d’emplois.
J’ai organisé les premières rencontres de l’innovation en mai dernier. En réunissant des entrepreneuses et entrepreneurs, des représentants des principaux organismes de soutien et divers acteurs du secteur, j’ai voulu que l’on puisse, d’une part, faire un état des lieux de l’existant et, d’autre part, identifier les axes qui mériteraient d’être renforcés. Ensemble, nous élaborons un plan directeur de l’innovation qui identifie et priorise les besoins et développe des solutions concrètes. Nous prévoyons de présenter nos conclusions d’ici à janvier prochain.
En parallèle, nous sommes d’ores et déjà engagés sur plusieurs fronts pour dynamiser l’innovation à Genève. Dans le domaine des sciences de la vie, le développement du Campus Biotech vise à développer un pôle d’excellence dans le domaine des neurosciences, de la santé mentale et de la santé numérique. Dans ce cadre, nous entendons créer un véritable écosystème qui vise une collaboration renforcée entre la recherche académique et l’entrepreneuriat. Nous souhaitons également favoriser le transfert de technologies.
«Je souhaite aussi transformer Genève en un hub européen pour les industries créatives»
Je souhaite aussi transformer Genève en un hub européen pour les industries créatives, en accompagnant et en favorisant la création d’un écosystème qui rassemble acteurs privés et publics.
Dans le cadre de la nouvelle législature, les prestations du dispositif de soutien aux entreprises ont été élargies et intègrent les enjeux relatifs à la transition numérique. Dans ce contexte, l’Office de promotion des industries et des technologies (OPI) a mis en place une démarche dédiée à l’adoption de technologies innovantes comme l’intelligence artificielle ou encore l’impression additive (dite impression 3D). La Fondation genevoise pour l’innovation technologique (FONGIT) poursuit son action en faveur du développement de start-up actives dans des domaines novateurs.
Genève affiche une baisse de 5,1% de créations d’entreprises au premier semestre 2024, alors que Vaud enregistre une hausse de 12,8%. Comment cultiver l’esprit d’entreprise à Genève ?
L’évolution du taux de créations d’entre prises n’illustre que partiellement le dynamisme d’un canton, contrairement au PIB, aux exportations ou encore aux places de travail créées par ces nouvelles sociétés. Notre canton, par exemple, continue de voir son nombre d’emplois augmenter depuis 2021 sans interruption, avec une progression de 0,9% d’ETP (équivalent temps plein) supplémentaires au 1er semestre 2024, contre 0,6% en moyenne nationale.
Je pense qu'il nous faut une approche multifacette pour cultiver l’esprit d’entre prendre à Genève, en incluant l’éducation et l’accompagnement. Dans les écoles, nous jouons un rôle actif dans l’organisation de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat, grâce à l’Office cantonal de l’économie et de l’innovation (OCEI). En partenariat avec la Chambre de commerce, d’industrie et de services de Genève (CCIG) et la Fédération des entreprises romandes Genève (FER Genève), nous mettons également sur pied tout au long de l’année des ateliers, des rencontres et des petits-déjeuners traitant de sujets concrets liés à l’innovation et à la création d'entreprises.
En outre, et avec l’ensemble du Conseil d’État, je crois fermement que notre rôle est d’accompagner les entreprises existantes dans l’adaptation de leurs modèles d’affaires aux transitions numériques, éco logiques et démographiques. C’est pourquoi mon Département a lancé un programme de sensibilisation et de formation à la responsabilité numérique des entreprises (RNE). Parallèlement, nous avons élaboré une stratégie de durabilité, fournissant aux entreprises une boîte à outils complète pour intégrer des pratiques durables dans leurs opérations. Enfin avec l’Office cantonal de l’emploi (OCE), nous prévoyons la parution d’un plan directeur de l’employabilité qui nous permettra de répondre aux questions de pénuries de main-d’œuvre et de formation, lesquelles risquent de devenir un obstacle à long terme à la création et au développement des entreprises.